Shanna Waterstown
L'émission "blues" de radio RDL Colmar animée par Jean-Luc et David BAERST

 

Shanna, tu es née et tu as grandi aux USA. Peux-tu évoquer l’environnement familial et musical dans lequel tu évoluais alors ?
Je suis née en Floride, dans une petite ville qui se nomme Ocala. J’en ai d’ailleurs donné le nom à mon groupe, Shanna Waterstown & Ocala Blues Hounds.
Cet endroit, situé dans la partie nord de l’état américain, est entouré par les forêts et la verdure. Il est surtout connu pour ses fermes de chevaux dont je suis très fière !
Mon enfance était on ne peut plus classique, j’allais tous les dimanches à l’église baptiste où j’ai commencé à chanter très tôt du gospel et du negro-spiritual…
Plus tard, je me suis intéressée aux comédies musicales et à l’univers de Broadway…
Enfant, dans la petite ferme où je vivais, je passais mes journées pieds nus en compagnie de mes parents et de mes grands-parents. Nous étions une famille très modeste. C’est elle qui m’a transmis la simplicité de la vie, des personnes et des choses.
C’est en arrivant en France que je me suis lancée dans le blues, une musique que paradoxalement je n’entendais que très peu en Floride.
Il n’y avait que mes grands-parents ainsi que mes grands oncles et tantes qui écoutaient des artistes tels que BB King dans leurs voitures. Mes parents étaient plus tournés vers la soul music et des artistes de la firme Motown comme Marvin Gaye, The Supremes etc…
Ils écoutaient aussi Barry White et, même, beaucoup de musique country et bien sûr du gospel.
Au milieu de mes « années Lycées » j’ai quitté le sud pour le nord et, plus particulièrement, la ville de New York où j’ai terminé mes études.
C’est là-bas que j’ai découvert de nombreuses comédies musicales ainsi que l’univers du jazz.
J’ai intégré des petites troupes locales tout en m’intéressant à la danse et à tout ce qui touchait, de près ou de loin, à l’art.
Je savais déjà que je ferai une carrière artistique, même si je n’étais pas encore décidée sur le domaine spécifique vers lequel j‘allais m’orienter.
Avec des copains de Lycée, j’ai composé de la musique (ce que je faisais déjà vers l’âge de 11 ou 12 ans) et c’est dans cette grande mégapole que j’ai terminé mes études.

Pratiquais-tu toutes ces activités artistiques en tant qu’autodidacte ou prenais-tu des cours afin de te perfectionner ?
J’ai pris des cours de danse dans mon école, c’était quelque chose de très fréquent et de très populaire à New York.
Je participais aussi bien à la chorale de mon établissement qu’à la troupe de danse…
En quittant le Lycée, je me suis inscrite dans une autre troupe mais, très vite, je suis partie pour Paris.

En venant d’une petite ville rurale du sud des USA, avait-il été aisé pour toi de t’intégrer dans une mégapole telle que New York ? Le fait d‘appartenir à un « milieu » musical t’a-t-il aidé dans ce sens ?
Il y a eu un grand effet de surprise car il s’agit, vraiment, de deux mondes différents.
Je pense que, au fond de moi, j’étais prête à subir un tel changement de cadre de vie.
C’est une chose dont j’avais rêvé… je voyais souvent des images de New York et j’étais vraiment très attirée par tout le côté culturel qui se dégage de cette ville.
Cela a été un grand pas pour moi car je me suis éloignée de ma famille. Cependant, j’estime que mon intégration s’est faite assez facilement.

Peux-tu revenir, plus en détails, sur les expériences artistiques que tu as vécues à New York et me dire quels sont les enseignements principaux que tu en as tiré ?
J’étais encore lycéenne donc l’accès au « milieu » était, quand même, assez limité pour une personne si jeune. Ceci dit j’ai, tout de même, intégré une troupe de comédies musicales. Nous avions mis au point une production qui a bien marché. Cette expérience a été assez brève pour moi car, un été, j’ai été invitée par des amis et par ma grande sœur (qui y était déjà installée) afin de venir passer un séjour à Paris. Je venais de créer une petite formation de jazz avec des camarades de Lycée et un copain pianiste… Ce dernier composait et s’occupait de la production alors que j’écrivais des textes. Nous avions enregistré quelques maquettes et nous étions produits dans quelques petits clubs.
Après cette première visite à la Capitale française, je suis rentrée un an à New York mais suis revenue à Paris. Je me suis installée, au fur et à mesure, et j‘y vis depuis…

T’es-tu intégrée facilement à la scène musicale française ?
Assez facilement… D’autant plus que, lorsque je suis arrivée à Paris, il y avait une certaine demande par rapport à la musique anglophone et surtout le jazz…
J’ai fait le tour des cabarets en interprétant des standards ainsi que des petits essais à droite et à gauche… Un petit club m’a proposé de me produire, tous les soirs, pendant une demi-heure. Cette demi-heure s’est allongée au fil du temps et, au bout de 7 ans, j’étais toujours programmée dans ce club (rires). Lorsque je suis arrivée j’avais 19 ou 20 ans et cela a été une très bonne expérience…
Je chantais aussi dans le cadre de soirées privées, à travers toute la France, bref le parcours de tous les artistes qui se trouvaient sur Paris à l’époque. Je ne renie pas cette période car c’est ce qui m’a permis de découvrir des façades différentes de la scène musicale française.

Par la suite tu es devenue choriste pour plusieurs artistes (Murray Head, Marc Cerrone, David Charvet…) , souvent dans le cadre de grandes productions. A-t-il été difficile, pour toi, de te faire à ces univers musicaux si éloignés de ceux que tu pouvais côtoyer à New York ou en Floride ?
Ce n’était pas évident, effectivement…
Le fait d’apprendre les chansons et de s’immerger dans la couleur musicale de tel ou tel artiste est un véritable exercice de style.
Cela m’a aidé à me « professionnaliser », à avoir plus d’ouverture, de flexibilité et à être plus polyvalente dans le monde de la musique…
Cela m’a, aussi, inspirée pour écrire quelques petits singles édités au début des années 1990...
C’était une expérience que je ne regrette pas. Je suis contente, avec le recul, d’avoir vécu autre chose avant d’arriver à être là où je suis actuellement.

Justement depuis quelques années tu t’es, entièrement, replongée dans l’univers du blues, du jazz et de la soul music. N’est-ce pas un pari un peu risqué puisque tu aurais pu avoir une place plus « confortable » en continuant de chanter de la pop ?
Je viens d’une culture qui fait que l’on a, souvent, de multiples personnalités.
J’étais, naturellement, plus attirée par les musiques qui m’entouraient pendant mon enfance, même si mon premier grand amour a été le jazz. Dans mon âme, j’avais toujours des gospels qui traînaient ainsi que le blues qui m’attirait beaucoup…
En voyant quelques concerts de bluesmen que j’adore, je me suis sentie touchée. Cela a été comme une révélation…
C’est donc tout aussi naturellement que l’écriture de mon premier album de blues et de soul est venue à moi…
Je n’ai, finalement, fait que suivre un appel vers ces musiques blacks…
Cela a aussi été un retour vers mes racines et m’a permis de me découvrir davantage.

Un retour aux sources et, probablement, une manière de te rapprocher de tes proches et de ce que tu avais pu vivre pendant ton enfance…
Tout à fait…
Comme je te l’ai dit, j’ai vécu dans un univers qui était très porté vers le gospel… surtout chez mes grands-parents…
J’ai écrit et composé dans cet esprit là tout en évoquant certains évènements de ma vie de femme, de mon enfance, de mon quotidien en France et du fait d‘avoir vécu des choses assez puissantes...
Je me suis mariée en France, avec un français, j’ai eu deux beaux petits garçons… Ma vie de femme m’a inspirée en tant qu’artiste…
C’est ainsi que l’idée du disque « Inside My Blues » est venue. C’est du blues dénué du côté « triste » que l’on peut trouver, par ailleurs, dans cette musique.
Cet album est composé de choses que j’avais envie d’exprimer et d’extérioriser dans mes compositions.

Tout à l’heure, hors micro, tu me disais « oui ça fait très longtemps que je vis en France, même trop longtemps ». Là aussi, l’appel des racines est-il de plus en plus fort. Deviendrait-il «physique» au point que tu envisagerais de retourner aux USA ?
Oui…mais ce n’est pas un ras le bol…
Je retourne tous les ans aux Etats-Unis et, de plus en plus, je constate que ma famille me manque.
A chaque fois, je vois les membres de ma famille ou grandir ou vieillir… puis partir…
Le fait de ne pas être présente auprès d’eux est difficile pour moi. J’aimerais passer une plus grande partie de mon temps auprès de mes proches. Sur mon premier album, j’avais composé une chanson pour ma grand-mère maternelle… Il y a trois ans je l’ai perdue la même année que ma grand-mère paternelle… Cela m’a marqué et j’ai, profondément, regretté de ne pas avoir passé plus de temps avec ces personnes.
La vie est la vie, chacun fait des choses et moi j’ai décidé de partir…
Cela m’a, probablement, apporté le fait de vivre d’autres expériences que mes frères, sœurs, cousins et cousines qui ont fait le choix de rester aux Etats-Unis.
Aujourd’hui je constate, cependant, qu’il y a une partie de moi qui me manque… La vie que j’ai connue et celle que j’aimerais, éventuellement, démarrer après avoir pratiquement passé 20 ans en France.
Physiquement, j’ai cette envie d’y retourner, d’y vivre et, pourquoi pas, d’y terminer un deuxième album que j’ai commencé à composer et à arranger. Il n’est pas impossible que je choisisse de l’enregistrer aux Etats-Unis.

Tu es une grande passionnée de soul music et, plus particulièrement, de la firme Motown comme tu me le disais. C'est un genre qui revient en force actuellement en étant porté par des artistes qui n'ont pas, forcément, le profil le mieux adapté pour le servir. N'est-ce pas “frustrant” pour une chanteuse comme toi qui porte vraiment cette musique dans ses gènes ?
Oui, c'est un peu frustrant car certains artistes “s'attaquent” à des choses qui ne sont pas forcément dans leur registre. Je me rends également compte que je vis dans un environnement francophone qui n'est pas, systématiquement, ouvert à des choses anglophones. De ce fait, je dois redoubler d'efforts pour me faire une place… alors qu'il y a des chanteurs et chanteuses qui bénéficient d'aides importantes pour se faire un nom dans un registre musical qu'ils ne maîtrisent qu'assez peu...
De plus ils n'ont, peut être, pas le vécu nécessaire pour cela...
Ceci dit, je vais insister... je reste motivée et profondément inspirée par ce que je fais.
Je pense que mon deuxième CD m'aidera en cela. Il sera largement emprunt de gospel, de soul et aussi de blues. C'est un blues très épuré et particulièrement roots qui sera mis à l'honneur...

Quels sont les artistes qui tu côtoies et que tu apprécies le plus sur la scène française ?
Il y a des anglophones, comme Boney Fields, qui avait produit et arrangé mon premier album et Juju Child qui travaille actuellement sur mon deuxième opus. Je côtoie aussi pas mal d'artistes français, issus de la scène parisienne, comme Big Dez, Chicago Line Blues Gang, Nina Attal et beaucoup d'autres jeunes qui montent...
J'apprécie énormément Sophie Kay et Lise Hanick qui est une petite canadienne pleine de ressources...

Il y a beaucoup de musiciens américains qui vivent à Paris. Cela a-t-il été une aide, pour toi, au moment de ton installation en France ?
Oui, j'ai rencontré certains d'entre eux au hasard. Nous nous sommes dit qu'il fallait que l'on se croise les coudes et qu'on se soutienne mutuellement.
A Paris il y a deux scènes dans le milieu du blues...
D'un côté les français qui s'entraident et, d'un autre côté, les américains qui se soutiennent aussi.
Cette solidarité franco-française fait parfois “blocus” et ne permet pas de donner la place qu'ils méritent à des américains très talentueux.

Tu es en pleine préparation de ton deuxième CD personnel, peux-tu m'en dire davantage à son sujet ?
Je travaille, actuellement, sur 13 nouveaux titres qui seront des compositions personnelles.
J'insiste sur le fait qu'il n'y aura pas de reprises car j'estime que l'on en entend assez sur scène et sur les albums d'autres artistes !
Je trouve que, s'il on a quelque chose à dire, il faut s'exprimer et donner une partie de soit à son métier.
J'écrirai la plupart de ces titres car j'estime que j'ai encore beaucoup de choses à dire.
Ma petite sœur m'a aussi proposé un titre comme elle l'avait fait sur mon premier CD.
Nous en sommes aux arrangements et nous répétons beaucoup.
La “phase studio” va venir et j'espère avoir, officiellement, quelque chose à présenter pour le printemps, voire le début de l'été, 2011.

As-tu une conclusion à ajouter ?
Je croise les doigts pour le futur de ma carrière, en espérant que mon prochain album soit aussi bien accueilli que le premier. Je commence à tourner aussi bien en France, qu’en Allemagne, qu’en Suisse et qu’en Belgique, c'est une bonne chose !
Je souhaite aussi remercier tous les gens qui me suivent, me soutiennent et m'encouragent. J'espère que la scène blues française, en général, sera considérée comme elle le mérite. Il y a tant de bons artistes ici...
Tous les gens qui croient aussi fort en cette musique méritent d'en vivre. Le blues est une culture à part entière même si elle est considérée “à part”. Quand on aime la musique, il ne faut jamais baisser les bras...
Vive le blues et vive le monde du blues !

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Interview réalisée

Caf’ Conc’ d’Ensisheim

le 2 octobre 2010m

En exclusivité !

Propos recueillis parDavid BAERST

 

 

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